Réflexions sur
l’anti-kevin : Avertissement : attention, ce texte ne s’inscrit pas
dans le phénomène de mode qui parcourt actuellement le petit monde
conformiste des forums de jeux en ligne, et qui veut que l’on critique
des pseudo-cons tout en évitant soigneusement de parler des vrais, (de
cons). Vous prenez donc le risque insoutenable d’être attaqué par des
opinions anti-élitistes, de croiser au détour d’une phrase l’absence
totale de critique du « sms » et même d’être heurté par des éclats
anti-orthographique. Vous êtes prévenu ! Qu’est ce qu’un anti-kevin ?
Vous pensez peut-être que pour le définir, encore faut-il cerner
l’objet de son mépris abyssal, le « kevin » ? Or c’est impossible car
le Kevin n’existe pas : chacun des anti-kevin glisse dans la définition
du kevin sa petite opinion réactionnaire personnelle. Ce qui nous amène
à des situations cocasses, dans lequel des anti-kevin se croyant au
dessus du commun des mortels se traitent les uns les autres de Kevin et
se vomissent dessus mutuellement, au grand ahurissement des
spectateurs. Il va donc falloir trouver une autre ruse pour définir cet
individu, ma foi commun sur les forums de « fans ». Commun parce que
cette opinion facile « il existe des kevin, et ce sont des cons (et je
n’en fais pas, et n’en ferai jamais, partie, of course) » lui permet
illico de s’intégrer dans une grande communauté consensualiste et
conservatrice. Communauté qui absoudra de facto, devant la preuve de
l’anti-kevinisme patenté du posteur, tout ou partie de ses défauts
pourtant objectifs (sexisme, mépris des autres, mépris des jeunes,
rejet de la nouveauté, conservatisme littéraire, appartenance à l’UMP,
racisme, élitisme etc etc etc). Pour présenter l’anti-kevin, il suffit
pourtant de l’observer sur son terrain de prédilection : la boue.
L’anti-kevin aime se rouler dans la boue. Passant allègrement de la
chasse à la fote d’orthographe (qu’il commet lui-même bien souvent tout
autant que les autres, mais en quoi cela l’empêcherait-il de se sentir
supérieure à « la plèbe » mon bon ?), au tiraillage à l’arme lourde sur
les « ptits cons » qui hantent les jeux en ligne, il aime encore
s’esclaffer d’un rire gras devant le moindre « faux pas » commis par ce
qu’il appelle le Kevin. Soyons plus précis, dressons son portrait par
ses haines et ses amours. L’anti-kevin déteste : - Les jeunes, les «
djeuns » comme il aime à le dire (ça fait passer plus de mépris selon
lui). Il le cache généralement sous des opinions au dehors plus
élégants : « ouais attends, certes beaucoup de ces ptits cons de jeunes
sont cons, putains d’illettrés de merde, mais la connerie n’a pas d’âge
hein ahah. Ouais m’enfin c’est quand même souvent des ptits cons
immatures, ahah (rire gras ici). - Les gens qui n’écrivent pas comme
lui, c'est-à-dire généralement comme un petit bourgeois, ou un membre
de la classe moyenne aisée. Attention, l’anti-kevin écrit aussi mal
sinon plus que les autres, mais de 1) il l’ignore, de 2) il pense que
SA façon d’écrire est la meilleure, et que comme de toute manière, il
n’y a qu’une bonne façon d’écrire (celle de l’académie française grosso
merdo), le problème est vite réglé. L’anti-kevin est le Croisé de
l’orthographe. Il n’a aucune idée de l’histoire du langage, aucune
notion des usages sociaux de la langue, encore moins des inégalités qui
engendrent les différences dans le maniement de la langue, il n’a pas
la moindre bribe de savoir sur la façon dont l’orthographe actuelle a
émergée, pour des raisons politiques et nationalistes. Mais cela le
retiendrait il un tant soit peu d’étaler son mépris facile d’autrui à
la face du monde, et ses opinions de droite ultra-rebattues ? Que nenni
! Car, il faut bien se l’avouer, l’anti-kevin se repaît de la
Nobleeeesse de la Langue Française Mossieur. Cela lui permet de se
sentir, à peu de frais, supérieur aux autres, dont les étrangers. Une
petite xénophobie latente et un chauvinisme certain sont donc
généralement associés au personnage. La langue française, il n’a en
rien contribué à la faire évoluer, il serait plutôt du genre à la
stériliser (rappelez vous : il n’y a qu’une bonne façon d’écrire, et
c’est la sienne : aucune imagination, jamais de nouveaux mots, c’est
tabou, et pas de néologisme ou d’anglicisme, c’est sale) voire à la
faire crever avec ses idées banales, mais il en est quand même fier.
Pourquoi ? Parce qu’il la parle depuis tout petit, comme 100% des
françophones. C’est idiot, mais ça le rend fier de lui. L’anti-kevin
traîne donc ses guêtres de complexé du cervelet d’un forum à un autre,
met en scène de petits espaces élitiste (le « forum anti sms » par ex)
dans lequel lui et ses semblables se complaisent dans une mutuelle
admiration, à l’idée de faire partie de cette espèce supérieure qui
Parle le Vrai Français Correct (pas comme ses bouseux illettrés, ou ces
putains d’américain incultes ahahah). Bref l’anti-kevin de ce point de
vu ressemble à tout individu à la personnalité médiocre, qui ne
trouvent comme moyen de se distinguer aucune autre méthode que celle de
chier sur les autres. Mais chier en troupeau hein, en bêlant à
l’unisson sa défiance face à la « racaille », aux « sauvageons », bref
à tout ce qui mène notre BravePatrie sur la route même de la Décadence
Culturelle. Il ne fait ainsi que propager les banalités dénuées de tout
rapport à la réalité, que nous assènent des individus aussi peu
recommandables que Sarkozy (l’ultra droite), Ferry (le pseudo
philosophe qui n’est reconnu comme un intellectuel par personne d’autre
que lui-même, ses amis, et 2-3 médias de droite,), ou l’imposteur bien
connu, Finklekraut, chassé depuis belle lurette des cercles
scientifiques et philosophiques. L’anti-kevin, sans avoir consulté la
moindre analyse sérieuse, scientifique, sur le sujet de l’orthographe
et de la pédagogie, sans parler du « niveau » scolaire en France
comparé sur 100 ans (sujets pour lesquels il existe pourtant une flopé
d’ouvrages sociologiques de références, pour ne citer qu’eux)
n’hésitera donc pas à vous asséner les pire contrevérités, à marteler
ses préjugés lourdaux et ses stéréotypes de classe, sans aucune honte,
persuadé qu’il est d’avoir raison contre la science dés que celle-ci le
contredit. Ce qui nous amène à une autre caractéristique de
l’anti-kevin : il aime son époque le bougre. Attention ! Pas l’époque
actuelle, avec toutes ces horribles bandes de djeuns affublés de
portable, qui parlent dans un langage qu’il ne comprend pas (puisqu’il
refuse par principe de s’intéresser à toute modification du langage de
moins de 30 ans, et encore, à condition que ce ne soit pas du langage
qui vient « d’en bas »). Non son époque à lui, sa petite bulle perso,
confortable, tranquille, sans trop de changement, sans ouvriasse ou
employé qui vient se plaindre de la société, sans insécurité sociale.
Bien sur il utilise très souvent lui-même un portable, et envoie des
sms. Mais il n’y a que les « autres » qui utilisent les portables
connement, lui c’est pour des raisons intelligentes. De même quand il
ostracise le sms, c’est en fait le jeune qu’il vise derrière, voire si
possible le jeune « de banlieue », voire le jeune « basané ». Eh oui
l’anti-kevin est souvent à la limite du racisme. Disons le tout net :
il est même souvent raciste, mais il prend pour excuse tout un tas de «
bonnes raisons ». Il oubliera par exemple sciemment, que le cadre sup
de base utilise aussi le portaaable et les smssss. Mais que voulez
vous, ca ne cadrerait pas avec son opinion comme quoi « jeune+portable=
gros con= sms= gros con ». Et puis là c’est pour le bizness-marketing,
c’est pas pareil, attention, c’est sérieux (oui, l’anti-kevin pense que
critiquer le fonctionnement du capitalisme, c’est forcément être un
Bolchevique ou quelque chose d’aussi sale. Limite
écolo-coco-socialo-attac, beurk). Les entrepreneurs qui passent la
journée au portable, c’est Pour Faire Vivre la France eux, pas comme
ses putains de jeunes de merde et pas pour leur profit personnel. A
noter au passage, l’anti-kevin verse aussi dans la version la plus
conservatrice des genres sexuels. Il n’hésitera pas à se moquer des «
puceaux », perpétuant ainsi des traditions admirables, encore en cours
dans des espaces aussi progressistes que l’armée, la légion, ou les
grandes écoles…Et en plus il pense que c’est une insulte, et que c’est
rigolo de l’utiliser, mais si ! Enfin, l’anti-kevin se définit aussi
par ce qu’il pense de lui (vu qu’il ne pense rien de ceux qui sont
différents, c'est-à-dire les Autres, à part que ce sont des cons) et du
monde: - Il aime à se voir, sinon comme un intellectuel, en tout cas
comme « un minimum cultivé ». Pas un gros ignorant de merde comme ces
putains de djeuns donc. Et tout ça parce qu’il a lu 3 bouquins par
mois, un Paulo Coelho fumiste et cette bouse de Houellebeck à l’occase.
Sur tout autre espace qu’un forum de jeu en ligne, il serait ridiculisé
en une seconde, mais heureusement, il peut encore se ressourcer, en
confondant par exemple et sans exclusive, culture générale et
intelligence, ou lecture et sagesse. Inutile de dire qu’il n’a pas la
moindre vision politique du monde ou de la société, autre que le
copié-collé droitiste de base. - L’anti kevin montre fréquemment son
mépris à l’égard des « rebelles » (c’est ainsi qu’il les conçoit lui en
tout cas, ce qui vous laisse une idée du simplisme de son univers
mental), de ceux qui critiquent la société ou tout simplement attentent
aux sacro-saintes Valeurs Françaises (qui existent dans un autre
univers, mais que l’on attend encore dans le notre). C’est une façon
comme une autre d’exprimer son conservatisme social et politique
aggravé sans le reconnaître vraiment. Il est donc dans une
contradiction étonnante, qui frappe tout le monde sauf lui et sa petite
communauté de soutien moral : il ne fait absolument rien pour les
autres (ça c’est bon pour les rebelles, les conos d’idéalistes, les
syndiqués ou ces putains d’altermondialistes de merde), en tout cas
rien de bien, mais il reproche aux kevins leur asociabilité. Comme s’il
était bien placé pour en juger, lui qui ne cesse d’éructer son mépris,
ses préjugés et sa haine d’autrui, de ce qui est différent de lui, sur
des forums. Mais cette réflexion n’atteindra jamais des neurones depuis
longtemps figés par le discours dominant. Cette attitude qui traduit un
complexe de supériorité digne des plus grands fats du pays, est un
corollaire d’autres comportements, sorte de « dégâts collatéraux » sur
sa personnalité : - un respect inné pour toute forme d’autorité
(notamment la sienne et celle de ceux qui bêlent comme lui). Nonobstant
les leçons du 20ème siècle sur les effets du respect de l’autorité (le
nazisme nous a appris deux trois petites choses à ce propos, le
fascisme et ses chefs « charismatiques » aussi, ainsi que le
colonialisme, la soumission au père, la soumission de la femme à son
mari etc..) qu’il ne connaît pas, puisque se version de l’histoire se
résume aux parcelles qu’il a retenues de ses parents, en classe, ou
dans des livres d’historiens douteux, il aime à rappeler qu’ « avant
c’était mieux », parce que, eh bien, avant, y avait le Respect et que
ça solutionnait tout, voyez vous. Bref, qu’est ce que l’Anti-kevin :
c’est un personnage qui nous est familier. C’est ce pilier des
conversations convenues qui se croit toujours meilleur que ses
congénères, qui se pense intellectuel tout en n’en connaissant pas un
d’authentique et en urinant sur l’intellectualisme. C’est l’ahuri
mondain, le « vrai français » qui regarde avec méfiance tout ce qui est
nouveau, jeune, étranger, qui aime sa Patrie, (comme Pétain par
exemple), et pas les portables (sauf quand il les utilise, et que c’est
lui). C’est cet individu à la personnalité moche, victime à la fois
d’un complexe de supériorité et de doutes sérieux sur lui-même qu’il
n’avouera jamais. Le genre à ne jamais lire d’ouvrages de sciences
humaines tout en se proclamant expert de la société et de son évolution
actuelle. C’est donc quelqu’un de parfaitement médiocre, sans intérêt
particulier, dont les opinions n’ont aucune espèce de nuance, de
relativisme, ou tout simplement de différence. Mais comme tout les
autres « mépris à la mode » (le mépris du jeune de banlieue, le mépris
du syndicaliste, de l’ouvrier, du fonctionnaire, du postier, de la
femme, de l’homo et tant d’autres) le mépris de l’anti-kevin lui permet
de sentir mieux, unique, différent, à peu de frais, et ce dans une
grande unanimité forumienne, celle du mouton de panurge éternel ! Qui
donc oserait le contredire, puisqu’il n’exprime que l’Evidence même ?
L’anti-kevin doit donc être de temps à autre rappelé à la réalité
sociale, un ou deux exemples concrets suffisent généralement (il vit
dans un monde protégé, que la réalité ne pénètre que rarement, ne
l’oubliez pas). Ou même un soupçon de réflexion personnelle, qui le
mettra dans l’embarras, puisqu’il n’est pas habitué à ce genre de
comportement « rebelle ». Ne vous en privez pas, vous aurez ainsi
l’occasion de le déniaiser quelque peu, et de lui montrer à quel point
le respect et la dignité commencent par celle des autres, même s’ils
écrivent avec des fautes, ont l’outrecuidance, l’arrogance, NOM DE DIEU
MERDE MAIS COMMENT OSENT IL, d’utiliser le sms, posent des questions
alors que pourtant PUTAIN C’EST DANS LA FAQ DU FORUM CONNARD
d’IRRESPECTUEUX DES AUTRES, ASOCIAL, et font comme tout les êtres
humaines, parfois des erreurs ou des faux pas.